Le Tour d’Italie 2005, remporté par Paolo Savoldelli devant Danilo Di Luca, a sans doute été l’un des plus disputés et spectaculaires de la décennie. José Rujano, qui complétait le podium final, y avait grandement contribué. L’étape de Sestrières, avec le non-asphalté Colle delle Finestre, avait été le juge de paix de cette édition remarquable du Giro. Le Vénézuélien l’avait animée, remportée, et avait failli y prendre le maillot rose, à quelques jours de l’arrivée finale. Cinq ans plus tard, on a quelque peu oublié le virevoltant grimpeur sud-américain, qui n’a pas confirmé au plus haut-niveau. Passages chez Quick Step, Unibet et Caisse d’Epargne : il n’a jamais trouvé ses marques. Mais cet hiver, ISD-Neri a pensé à lui. L’équipe italienne, invitée sur le prochain Tour d’Italie, veut y jouer le classement général avec l’ancien meilleur grimpeur de l’épreuve. Lequel est convaincu qu’il peut réaliser une saison de la teneur de 2005. Entretien exclusif de Velochrono avec un coureur que l’on pourrait très vite retrouver au sommet, et ce dès lundi avec le départ du Tour de Langkawi.
José, comment se passent vos premiers pas au sein de l’équipe ISD-Neri ?
Très bien, c’est une petite équipe mais avec de grandes ambitions. Prête à travailler pour ses leaders, ce qui est important pour moi.
En janvier, vous avez remporté la Vuelta a Tachira. Cette victoire vous comble-t-elle ?
Oui, je suis ravi d’avoir gagné, même si ce n’est qu’avec trois secondes d’avance sur José Alarcon ! En plus je n’avais pas eu beaucoup l’occasion de m’entraîner avant la course : je n’avais que 2 500 km dans les jambes, quand Alarcon en avait quasiment 30 000, puisque pour lui c’était une course de fin de saison.
Est-ce que, parmi vos adversaires sur les courses sud-américaines, vous aimeriez en voir certains vous rejoindre comme coéquipiers sur les autres continents ?
Pour l’instant, la situation actuelle me convient. Mais peut-être que plus tard, je demanderai à l’équipe d’engager un ou deux coureurs pour courir à mes côtés, oui.
En 2005, vous étiez attendu comme le meilleur grimpeur du monde après votre victoire à Sestrières, sur le Giro. Aujourd’hui, ce statut est dévolu à Contador. Êtes-vous capable de rattraper le temps perdu ?
Je pense que oui. Dans les courses par étapes qui grimpent, je ne pense pas être inférieur à qui que ce soit. Contador, à l’heure actuelle, est très fort, mais par le passé j’ai couru avec lui et ce n’était pas le cador d’aujourd’hui. J’espère pouvoir me mesurer à lui sur une course, dans un col, vu que depuis deux ans, je suis absent du cyclisme qui compte.
“La dernière semaine du Giro est faite pour moi”
Qu’avez-vous appris de vos années chez Quick Step, Unibet et Caisse d’Epargne ?
J’ai appris que pour un coureur de classement général comme moi, des équipes avec plein de leaders ne sont pas l’idéal. Ou tu t’améliores, et tu deviens alors le leader indiscutable ; ou tu as du mal à trouver de la place pour t’exprimer. J’ai ensuite vu que dans les grandes équipes, quand tu as quelques problèmes, on ne t’écoute pas. Tu es un parmi beaucoup d’autre. Dans de plus petites équipes, ça ne se passe pas comme ça.
Avez-vous besoin d’être libéré de toute tâche d’équipier pour vous exprimer à 100 % ?
Non, je préfère travailler avec l’équipe. Mais c’est vrai que parfois, j’aime rester seul, que ce soit pour m’entraîner ou dans la vie privée. C’est quand même rare.
Début janvier, dans le journal Entorno Inteligente, vous avez déclaré aller sur le Giro pour gagner. Pensez-vous être pris au sérieux par vos adversaires ?
Je pense que pour beaucoup d’entre eux, ce sera une grosse surprise, parce qu’ils ne s’attendent pas à retrouver le Rujano de 2005. Mais je suis très concentré, et déterminé. Je suis persuadé de pouvoir réaliser un grand Giro, d’autant que la dernière semaine de course est faite pour moi.
On se souvient d’un José Rujano toujours à l’attaque sur le Giro 2005. C’est ce que les spectateurs adorent chez vous. Voulez-vous continuer à faire le spectacle, ou bien vous-êtes-vous assagi ?
J’espère bien continuer ! Dès que je me sens bien, j’attaque dans les cols, et partout où je peux. Mais mon objectif premier, c’est de bien figurer au classement général. Donc j’attaquerai pour jouer le général. Je ne vais pas jouer au chasseur d’étape.
Viser les sommets sur le Giro, c’est un objectif que vous a fixé l’équipe ISD, ou bien c’est une ambition personnelle ?
C’est eux qui sont venus me chercher. Ils voulaient un coureur de courses par étapes. Et je suis toujours resté en contacts avec Scarselli, qui a fait ma publicité auprès de Citracca et Scinto, qui m’ont donc contacté pour signer chez ISD.
“Je vais répéter le programme de 2005″
Lundi 1e mars, c’est le départ du Tour de Langkawi. Vous aviez déjà participé à cette course en 2005, avant de terminer sur le podium du Giro. Vous revenez en Malaisie pour répéter ce schéma gagnant ?Exactement. J’ai voulu commencer ma saison sur la Vuelta a Tachira parce que c’est une course très importante chez moi, au Venezuela. Mais après, j’ai un peu levé le pied, et je ne reprends la vraie compétition qu’en Malaisie. Ensuite, je vais répéter le programme de 2005, avec la Semaine internationale Coppi et Bartali, 20 jours de stage en altitude en mars et avril, le Tour du Trentin et quelques autres courses, comme peut-être le GP Industria & Artigianato. Puis, enfin, le Giro.
Êtes-vous capable de gagner le Tour de Langkawi ?
Oui. Les premières étapes sont plates, ce qui va me permettre de prendre peu à peu le rythme, avant de tout donner sur la sixième étape, qui propose une arrivée en côte. Ce ne sera pas forcément évident de jouer le général, parce que des échappées peuvent prendre pas mal d’avance sur cette étape, ou d’autres, et devenir trop dures à rattraper. Mais j’espère que l’équipe fera du bon boulot, et qu’arrivés à la sixième étape, nous n’aurons pas trop de retard à rattraper sur les premiers du général.
Êtes-vous le seul coureur sud-américain à pouvoir monter sur un podium du Giro, du Tour ou de la Vuelta dans les années à venir ?
Pour l’instant oui, je ne connais pas d’autre coureur capable de faire un bon classement général. Mais j’espère que d’autres vont émerger, cela signifierait que le cyclisme sud-américain grandit.
Quel regard portez-vous sur le Tour de France ? Est-ce une course que vous continuez à observer avec ambition ?
Pas cette saison. Je veux faire une belle année, un bon Giro, qui m’ouvrirait qui sait les portes du Tour l’an prochain. Ce serait génial pour moi et pour l’équipe.
source: vélochrono